Nicolas Troussel raconte son Vendée Globe

Le 8 novembre dernier, Nicolas s’élance pour la toute première fois sur cette course mythique qu’est le Vendée Globe, à bord de CORUM L’Épargne, bateau dernière génération équipé de foils et mis à l’eau six mois plus tôt. Au-delà d’une simple prise en main, c’est un véritable travail de développement et d’optimisation qui occupe le skipper et toute son équipe jusqu’au départ.
Côté technique d’abord, neuf personnes apportent toutes les améliorations possibles à cette machine de haute technologie taillée sur-mesure pour le tour du monde en solitaire. Mais aussi lors de nombreuses navigations aux côtés des trois marins de haut vol que sont Sébastien Josse, Nicolas Lunven et Thomas Rouxel. Au fil de ces entraînements, Nicolas appréhende rapidement son bateau et renforce sa confiance pour arriver fin prêt aux Sables d’Olonne, avec 12 000 milles nautiques (soit 22 000 kilomètres) engrangés.
De retour chez lui suite à son abandon causé par le démâtage du bateau CORUM L’Épargne, le skipper prend le temps de revenir sur son début de course.
« Les derniers jours avant le départ ont quand même été particuliers, puisque même si tu le sais et que tu t’y es préparé, tu pars pour plusieurs semaines autour du monde. Une fois sur l’eau, le Vendée Globe ne pouvait pas mieux commencer. C’était un moment unique et magique de partir en ayant le bateau bien en main, à pleine vitesse, et de passer la bouée de dégagement en tête.
Je me souviens avoir discuté avec Sébastien Josse juste avant le top départ, avec qui on se comprend. On a trouvé la voile qui convenait bien ainsi que l’endroit sur la ligne pour partir avec le meilleur angle de vent pour que le bateau aille vite. Il a sauté dans l’eau cinq minutes avant le départ, me laissant quelques secondes à perdre avant de prendre le large dans les meilleures conditions. »
« Une fois la bouée de dégagement passée, j’avais un plan de route bien défini. C’était assez agréable car le bateau allait vite et j’étais vraiment bien, tout en sachant que j’allais avoir des conditions plus difficiles quelques jours après. Il a fallu enchaîner des manœuvres pour aller vers le Cap Finisterre. J’ai décidé de passer proche du cap pour avoir moins de vent que ceux plus au nord et limiter les risques.
Il a ensuite fallu partir vers l’ouest pour aller chercher une bascule de vent, avant de pouvoir mettre le cap au sud. Les premiers jours, ça a été compliqué de manger, j’étais trempé et il y a eu beaucoup de manœuvres. C’est à ce moment-là que j’ai eu mes problèmes de génératrice. Lorsque ça a commencé à ne pas fonctionner, c’était un réel coup dur, puisque sans génératrice, on est forcé à l’abandon, faute de pouvoir produire l’énergie suffisante à la bonne marche du bateau. J’ai échangé avec mon équipe technique pour essayer de résoudre ces problèmes, ce qui n’est pas simple quand tu dois continuer de faire avancer le bateau. Lors du passage de la dépression Thêta, j’ai réussi à refaire marcher la génératrice, ce qui fût un soulagement pour tout le monde. Je suis ensuite tombé de fatigue, en dormant toute la nuit. En me réveillant j’avais perdu tout ce que j’avais gagné en termes de placement. »
« Je suis alors bien reparti et commençais à vraiment rentrer dans la course, tout en étant beaucoup plus détendu, puisqu’on allait avoir des vents portants jusqu’à l’entrée dans le grand sud… Des conditions plus confortables que celles qu’on avait rencontrées jusqu’ici. Côté classement, j’étais quand même un peu frustré par le fait d’avoir perdu de la distance. »
Quelques heures seulement après avoir résolu son problème de génératrice et s’être reposé, la pression retombe pour Nicolas, qui peut reprendre son rythme et se focaliser sur sa course. À peine relancé, le mât se brise dans la nuit du 15 au 16 novembre.
« La fameuse nuit où je démâte, j’étais en mode attaque, en sachant que je pouvais reprendre des places, vu les conditions météo optimales pour le bateau. C’était possible de revenir dans le match, derrière les deux ou trois premiers. Je n’ai pas molli. C’était des sensations que j’avais déjà eues avec le bateau, donc je n’avais aucune crainte. J’ai fait une vacation à 4 heures du matin. Une fois terminée, j’ai contrôlé que tout était en ordre puis je me suis endormi avec mon réveil fixé à 6 heures : heure à laquelle je devais recevoir les nouveaux fichiers météo. Tout d’un coup j’entends un bruit venant du pont à travers mon casque que je mets pour dormir. Je me dis que c’est une écoute qui s’est cassée… En montant sur le pont, le mât était brisé… Là, il faut tout de suite réagir. Mais en même temps je suis sous le choc. Je sors la caisse à outils, et c’est là qu’il faut être méthodique pour sécuriser le bateau. Tout de suite après ma première évaluation des dégâts, j’ai appelé Greg Evrard. Ensuite tu réalises que tout est fini, là, sur ton bateau sans mât. »
« J’ai allumé le moteur, mis le régime le plus optimal direction le Cap-Vert et puis je n’ai plus fait grand-chose d’autre. J’avais quelques films justement prévus pour ce genre de situation… Et puis après deux jours et demi, j’ai repris du poil de la bête pour préparer l’arrivée. L’équipe n’a pas pu se rendre sur place avant moi, donc j’ai traité avec les locaux en leur faisant comprendre que ce n’était pas n’importe quel bateau. Au début ils n’avaient pas compris, et voulaient me faire aller dans le port, ce qui n’était pas prudent avec la quille et les 4,5 mètres de tirant d’eau. Le soir, j’ai dormi dans le bateau, puis une partie de l’équipe est arrivée le lendemain pour préparer la sortie d’eau. »
C’est avec l’aide d’une partie de l’équipe technique, accompagnée de Greg Evrard, manager, et de Frédéric Puzin, fondateur de CORUM L’Épargne, que Nicolas Troussel prépare le bateau pour son futur rapatriement par cargo, direction le port de Lorient, où il devrait arriver à la fin du mois de décembre.
Crédits photos :
Eloi Stichelbaut/CORUM L'Épargne
Jean-Louis Carli/Alea
Ugo Tsvetoukhine