SCPI

Le bureau : un espace déserté ou en reconquête ?

Revenant sur les grandes questions qui ont fait l’actualité de votre épargne en 2021, Baptiste Bruneau interroge Frédéric Puzin, fondateur de CORUM L’Épargne et Philippe Cervesi, directeur de l’immobilier du groupe CORUM, sur l’avenir du marché des bureaux. Malmené par la crise sanitaire et l’avènement du télétravail généralisé ? Ou simplement en train de continuer sa mue, qu’il fallait plutôt anticiper ?

Les produits commercialisés par CORUM L’Épargne sont des investissements long terme qui présentent un risque de perte en capital, aucune garantie de revenus et une liquidité limitée. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.

 

Extrait du webinaire du 08/12/2021 :
Les 5 grandes questions que vous vous êtes posées en 2021

 

Baptiste Bruneau
Première question sur le bureau : est-ce que c'est un espace déserté ou un espace en reconquête ? Je me tourne vers toi Frédéric, et vers toi également Philippe : quel est votre point de vue sur le bureau ? Parce nous en entendons beaucoup parler - avec les différents confinements, la situation sanitaire que nous avons traversée et que nous traversons encore. Nous entendons tout un tas de choses sur le bureau : est-ce que tu peux nous faire part de ton avis et de tes convictions ?

Frédéric Puzin 
Je vais laisser la parole à Philippe, parce qu’il est sur le terrain au quotidien aux quatre coins de l’Europe et évidemment il a l'occasion de rencontrer à la fois les locataires et les utilisateurs de ces bureaux. Philippe, ton témoignage ?

Philippe Cervesi
En effet l'immobilier de bureau a fait énormément parler sur les deux dernières années, à la suite de la crise sanitaire et des modes de travail, avec notamment le télétravail qui a été mis en place dans de nombreuses entreprises. Ce que nous constatons depuis le début de l'année 2021, c'est que le bureau est un axe très fort de l'immobilier en Europe et reste aujourd'hui un axe clé de l’ADN d'une entreprise. Il y a plusieurs éléments qui tendent à prouver que le bureau - et notamment la demande placée des utilisateurs - va continuer à augmenter. Ce que nous constatons, en fait, c'est qu’à la suite de la COVID 19, les gens reviennent de plus en plus vers le bureau.

Baptiste 
Philippe je te coupe : la demande placée des utilisateurs, qu’est-ce que c’est ? 

Philippe 
La demande placée des utilisateurs, tout simplement, c'est le besoin pour une entreprise d'avoir accès à des mètres carrés. Donc c'est la demande de mètres carrés par les entreprises dans différents pays. Ce que nous constatons, c'est que les gens sont revenus au bureau, notamment au cours de l'année 2021 qui a vu – je ne vais pas dire la fin de la crise sanitaire dans le contexte actuel – mais la vaccination permettre aux gens de revenir au bureau. Les gens étaient contents de revenir au bureau, de retrouver leurs collaborateurs, de retrouver aussi un endroit avec un ADN fort pour les entreprises. Il y a de nouveaux modes de travail, et ces nouveaux modes de travail font qu'elles ont besoin de mètres carrés. Prenons un exemple : nous sommes en train de faire un webinaire. Ça implique des mètres carrés, ça implique de l'espace, ça implique des écrans. Nous avons tous connu pendant les différents confinements les visioconférences ; le réflexe dans 80% des entreprises était de faire des conférences téléphoniques, aujourd'hui on fait des visioconférences qui nécessitent des salles de réunion, de l'espace. Vous ne pouvez pas faire une visioconférence dans un open space, c'est assez compliqué s’il est rempli vous allez déranger les gens, et du coup il faut s'adapter. Et cette adaptation nécessite des mètres carrés, nous le constatons dans plusieurs pays en Europe. 

Frédéric
Excuse-moi je te coupe : un open space, c'est un plateau. Aujourd'hui les bureaux ne sont plus cloisonnés, pour être très concret, pour optimiser leurs coûts les entreprises ne cloisonnent plus les bureaux. Ce qui veut dire que les espaces de travail sont très grands , et donc on a gagné de la place - mais d'un autre côté quand il faut travailler en commun, a contrario, il faut plus de salles de réunion c'est ça Philippe ?

Philippe 
Tout à fait. Nous avons besoin aujourd'hui de salles de réunion pour être efficaces dans une visioconférence, il faut pouvoir projeter, il faut des espaces clos où faire des réunions en toute quiétude - et tout ça, c'est générateur de mètres carrés. L'autre point qui est assez important pour les entreprises dans leur retour au bureau, c'est que pour ramener les salariés au bureau, qui ont connu l'expérience de télétravail dont ils ont aussi reconnu le confort de rester chez eux, il faut qu'ils vivent une certaine expérience, il faut qu'il y ait un attrait et un intérêt fort pour revenir au bureau. Donc il faut parfois des atouts, comme des salles de sport, comme de grands espaces de vie qui permettent de déjeuner ensemble et de prendre des pots ensemble après les horaires de bureau. Et tout ça, encore une fois, est générateur de nombreux mètres carrés.

Nous le constatons à assez grande échelle puisque dans de nombreux pays en Europe, nous avons des demandes de locataires qui veulent transformer une partie de leurs bureaux, ce qui implique parfois des extensions de surfaces, et qui veulent transformer leurs bureaux pour créer des espaces de vie. Nous avons eu des demandes parfois assez novatrices, pour faire des espaces de repos pour les collaborateurs, pour créer des mètres carrés pour que les mères de famille puissent changer leur bébé dans des Pays de l'Est. Donc il y a vraiment de nouveaux usages du bureau. Le bureau devient une expérience de vie, devient un endroit où on peut faire beaucoup de choses et ça va demander beaucoup de mètres carrés - et augmenter la fameuse demande placée dont je parlais au début, donc la demande de surface par les entreprises.

Frédéric
Alors je pense qu'il ne faut quand même pas nier une chose : c'est que l'usage du bureau va changer, c'est indéniable. Les entreprises aussi vont chercher à économiser, baisser leurs coûts donc il va y avoir des mouvements, il y a des locataires qui vont changer d'emplacement. Certains vont se décaler en périphérie, d'autres au contraire vont faire le mouvement inverse, donc cette crise a amené des changements. Mais ces changements au global ne vont pas faire baisser, comme le disait Philippe, la demande de surface, et c'est bien là l'essentiel, car en face d'une surface il y a des loyers. Le premier mouvement de fond, et ça c'était déjà une expérience du passé, c’est que le télétravail a des avantages mais aussi un gros inconvénient : c'est la perte de liens avec les collaborateurs. Pas une perte d'implication mais une distanciation, qui fait qu'il y a moins de travail en équipe donc moins de créativité. Ça ce sont des mouvements sociaux qui avaient déjà été constatés dans les entreprises il y a une quinzaine d'années, par des grandes boîtes comme IBM qui avait déjà fait ce mouvement-là. La crise a en plus accentué ce point, à tel point qu’il y a de grandes entreprises qui ne savent pas comment aujourd'hui faire machine arrière sur le télétravail, et ça c'est la première grande tendance de fond. Il va y avoir des opportunités, c’est vrai aussi qu'il y a des risques générés par cette situation. Il y a une autre tendance de fond, qui est qu'à 15 ou 20 ans le nombre de travailleurs tertiaires (c’est-à-dire de gens qui vont travailler pour des entreprises qui utilisent des bureaux) va augmenter de 20 à 30 %, ce qui est énorme.

Baptiste
Messieurs pardon j'entends vos différents points, et donc ces nouveaux usages liés au bureau et ses besoins en mètres carrés actuels et futurs. Néanmoins cela va représenter des charges, des coûts potentiellement de transformation : qui va payer finalement ?

Frédéric
Alors encore une fois il y avait des choses qu'il fallait anticiper, même si nous ne savons pas ce qui va se passer à l'avenir, ce qui va se passer demain matin, après-demain matin. Mais nous chez CORUM, nous avons toujours eu une vigilance et une préoccupation : ce qui crée de la valeur dans l'immeuble, ce sont ses locataires. Si vous n'avez pas de locataires, votre immeuble ne vaut rien, il ne vous rapporte rien. Et une façon de se prémunir contre l'absence de locataires, c'est d'avoir des baux très long terme. Évidemment aujourd'hui si vous avez un locataire qui est en fin de bail et qui doit partir, s’il a des réflexions sur sa façon de travailler, sur sa façon d'occuper l'espace, évidemment vous êtes en danger. Parce qu'il va se dire : peut-être que l'immeuble que je loue aujourd'hui, je vais trouver mieux ailleurs… Je ne vais pas forcément trouver moins cher, mais je vais trouver mieux organisé, avec ce que je recherche en termes de surface. Et puis il va aussi en profiter pour renégocier. Les baux très long terme sont la marque de fabrique de CORUM. En moyenne les baux dans les SCPI nous donnent 8 ans de visibilité, c’est-à-dire qu’à la date d'aujourd'hui, nous savons qu'en moyenne les bureaux sont loués pour 8 ans et qu’avant 8 ans le locataire ne peut pas partir.

Si vous prenez des grandes entreprises qui ont déjà intégré des façons de travailler comme, par exemple ce que je disais et ce que disait tout à l'heure Philippe, l'open space, les espaces de travail ouverts, avec également des espaces de réunions déjà prévus, vous êtes protégé. Parce que votre locataire ne peut pas venir vous voir demain matin, parce qu'il a un bail qui va courir pendant 8 ans - peut-être qu’il va venir vous voir dans 8 ans, mais pendant 8 ans vous avez le temps de le voir venir. Donc ça c'est le c'est le grand sujet : il fallait aussi, dans les événements qui pourraient se passer, se protéger de ce sujet de vacances des immeubles dues à des changements et des usages différents.

Philippe 
Quelque chose dont il faut parler, c'est aussi la différence selon les marchés. Nous avons énormément entendu parler pendant les deux premiers confinements et la mise en place du télétravail de la Défense par exemple, qui a énormément souffert. C’est sûr que si vous avez fait une grosse opération à la Défense et que vous avez acheté des bureaux avec une durée moyenne classique de baux français 3 / 6 / 9 ans à la Défense, forcément vos locataires sont vraiment en position de force, et vous risquez de devoir investir énormément dans votre immeuble pour les garder - et c'est compliqué.

A l’inverse, vous pouvez faire un choix un peu différent, qui est d'envisager des acquisitions sur des zones de bureaux avec des baux très longs, comme disait Frédéric. Et pour ça les marchés étrangers représentent peut-être un avantage par rapport à la France puisqu’il est courant de signer des baux de 10 ans ou 15 ans ferme « triple net ». Ce que veut dire « triple net », c’est que le locataire est intégralement responsable des travaux dans l'immeuble. Donc s'il veut transformer ses plateaux de bureaux, c'est à sa charge. Ce bail-là n'existe plus en France depuis 2014 et la promulgation de la loi Pinel. Vous pouvez aller le chercher dans 90 % des pays en Europe, il y a même des pays où c'est le bail standard, en Irlande par exemple, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas il est assez courant. En France il n'existe plus. Évidemment votre négociation n’est pas la même si vous avez un locataire qui est captif, qui est encore engagé sur une durée de 7 / 8 / 9 / 10 ans comme disait Frédéric, et qui est responsable des travaux. Là la relation, le rapport de forces est complètement différent : c'est votre locataire qui vous sollicite en vous demandant s'il peut lui-même faire les travaux. Et un locataire qui fait des travaux, même s'il est encore engagé pour 7/8 ans, il engage des coûts donc n'en devient que plus captif dans votre immeuble. Il y a une tendance de fond sur le marché de bureaux, il ne faut pas la nier et il faut être attentif en même temps, car il y a des marchés qui vont être plus favorables que d'autres aux investisseurs, il faut en profiter et en tenir compte.