Assurance vie & héritage : une taxation jusqu’à 45 %. Une réforme avortée, mais pas forcément oubliée

Un amendement discuté à l’Assemblée nationale à l’automne 2024 proposait de revoir en profondeur la fiscalité de l’assurance vie en cas de décès. L’idée ? Aligner l’imposition des très gros contrats sur le barème progressif des droits de succession, pouvant aller jusqu’à 45 %, au lieu du taux forfaitaire maximal actuel de 31,25 %.

Adopté en commission, le texte n’a finalement pas été retenu dans la loi de finances 2025 promulguée le 14 février 2025. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il est écarté définitivement.  

 

L’amendement CF598 : un projet de taxation plus progressive de l’assurance vie

 

Présenté par le député Jean-René Cazeneuve, l’amendement n° CF598 (Assemblée nationale, octobre 2024) visait à « réintégrer l’assurance vie au régime général des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) ».

En clair : appliquer le même barème progressif que pour les successions classiques, avec un taux maximal de 45 %, en remplacement du prélèvement forfaitaire de 20 % puis 31,25 % aujourd’hui en vigueur.

 


Aujourd’hui, le taux de 31,25 % s’applique au-delà de 852 500 € transmis par bénéficiaire, après l’abattement de 152 500 € (soit 700 000 € de part taxable à 20 %, puis 31,25 % au-delà).  


 

En effet, l’assurance vie représenterait « une niche fiscale considérable » et « les très gros contrats bénéficient d’un traitement fiscal dérogatoire difficile à justifier ». (Amendement CF598, Assemblée nationale, 13 octobre 2024.)

A noter : ce projet n’aurait concerné que les capitaux transmis au-delà de l’abattement de 152 500 € par bénéficiaire, ce qui aurait donc permis de maintenir l’avantage fiscal propre à l’assurance vie pour les épargnants aux montants plus modestes.

 

Une mesure ciblée sur les très gros patrimoines

 

L’idée de la réforme était de rendre la fiscalité plus équitable entre les successions classiques et celles réalisées via l’assurance vie.

Mais dans les faits, seuls les très gros contrats étaient concernés.

En effet, les chiffres cités dans l’amendement montrent à quel point les gros capitaux sont concentrés entre peu de bénéficiaires :

  • En 2019, près de 44 milliards d’euros ont été transmis via l’assurance vie (contre 20 milliards en 2006) ;
  • Sur cette masse, entre 2017 et 2018, seuls 45 000 bénéficiaires ont reçu plus de 152 500 € chacun, pour un total de 17,5 milliards d’euros transmis. 
    (Source : exposé des motifs, Assemblée nationale, octobre 2024.)

Autrement dit, ces 45 000 personnes représentent moins de 1 % des détenteurs d’assurance vie en France, soit une très petite minorité, disposant de contrats importants, qui aurait été touchée par la réforme.

 

En 2025, le régime fiscal de l’assurance vie reste inchangé

 

Bien que l’amendement CF598 ait été adopté en commission des finances, il n’a pas été intégré au texte final de la loi de finances pour 2025. Le cadre fiscal de l’assurance vie reste donc strictement identique.

 

Pour les versements faits avant 70 ans

  • Abattement de 152 500 € par bénéficiaire.
  • 20 % de taxation entre 152 500 € et 700 000 €.
  • 31,25 % au-delà de 700 000 €.

Exemple : pour un capital transmis de 300 000 €, la part taxable de 147 500 € est soumise à 20 %, soit 29 500 € d’impôt.

 

Pour les versements faits après 70 ans

  • Abattement global de 30 500 € sur toutes les primes versées après 70 ans (tous bénéficiaires confondus).
  • Les sommes dépassant cet abattement sont soumises au barème des droits de succession selon le lien de parenté.
  • Les intérêts générés par ces versements restent exonérés de droits.

 

Pourquoi la proposition n’a-t-elle pas abouti ?

 

Malgré son adoption en commission, la mesure a été écartée avant la version définitive de la loi.


Les débats ont mis en avant deux arguments principaux :

  • La stabilité du cadre fiscal : les députés ont souligné la nécessité de préserver la confiance des épargnants.
  • Le rôle économique de l’assurance vie : considérée comme un pilier de l’épargne longue et du financement des entreprises, elle bénéficie d’un régime incitatif depuis des décennies.

Le compte rendu de la commission des finances précise que « cette réforme pourrait déstabiliser un produit d’épargne populaire et remettre en cause l’équilibre de la fiscalité successorale ». (Assemblée nationale, séance du 18 octobre 2024.)

 

Un débat fiscal appelé à revenir

 

Si l’amendement CF598 n’a pas été retenu, notez que le sujet reste récurrent dans les discussions budgétaires.

Des propositions similaires avaient déjà été formulées, notamment l’amendement CF794, qui visait également à « harmoniser la fiscalité des produits d’assurance vie ».  

Par ailleurs, plusieurs rapports publics, dont ceux de la Cour des comptes, évoquent régulièrement la question des avantages fiscaux concentrés sur les plus hauts patrimoines. 
Il est donc probable que ce débat revienne dans de futures lois de finances.

 

Ce qu’il faut retenir

  • Aucune modification fiscale en 2025 : les taux de 20 % et 31,25 % après abattement restent applicables.
  • Seuls les très gros contrats auraient été concernés par la réforme envisagée.
  • L’assurance vie demeure un outil privilégié de transmission patrimoniale, avec un cadre fiscal toujours compétitif.
  • La vigilance reste de mise : le débat sur la fiscalité successorale de l’assurance vie pourrait ressurgir dans les mois ou les années à venir.

 

Le projet d’alignement de la fiscalité de l’assurance vie sur celle des successions classiques n’a pas été retenu, confirmant la stabilité du régime actuel. 
Pour les épargnants, l’assurance vie conserve donc son statut d’instrument clé de préparation de la transmission, tout en restant un pilier de l’épargne de long terme.

 

Par 

Faustine RIOT